4e Jour : 11 Mai 1977
Sud de Pasadena, Los Angeles
Cher Shifu,
Hommage au Vénérable Maître,
Puisse-t-il accorder sa compassion à tous les êtres !
Ce travail s’apparente à une session de méditation Chan. Etre attentif de façon permanente est un travail ardu ; nous progressons lentement et constamment. Trois pas, une prosternation.
Heng Chau est un bon protecteur. Il nous a déjà sauvé d’une situation difficile qu’il va vous raconter en dessous. Beaucoup de laïcs nous ont protégé et nous accordent beaucoup d’attention. Je ne parle pas beaucoup. C’est une chance formidable pour pratiquer mon vœu de ne prononcer que des mots servant les Trois Joyaux. Je suis éternellement reconnaissant de l’opportunité qu’il m’est donnée de pratiquer la Voie.
Heng Sure
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Cher Shifu,
Garder notre extraordinaire protection requiert de la vigilance. Jusqu’à présent nous avons rencontré relativement peu d’obstacles, mais beaucoup de tests. Dès notre premier jour nous commençâmes à nous prosterner le long de bars d’un quartier difficile. Beaucoup d’ivrognes et de machos coriaces. Pour notre premier solo nous étions loin d’être confiants. Les rues étaient mouillées et boueuses (il venait de s’arrêter de pleuvoir, un léger éclaircissement lorsque nous commencions à nous prosterner), nous n’étions pas un beau spectacle. A la deuxième prosternation, place à l’action.
Derrière moi, un grand ivrogne me tapa à l’épaule, « Hey quel est votre intérêt de faire ça? » J’essayais timidement de lui donner des explications au travers de sa torpeur. Il était à une dizaine de centimètre de mon visage. Il retira lentement de son portefeuille une de ces photos montrant un Jésus sentimental, hippie, aux cheveux ondulés. Il continua de l’agiter devant mon visage tout en patientant. Je m’écarta doucement pour rester près de Heng Sure.
Une voiture au moteur surgonflé passa à toute allure avec un groupe d’hommes ivres et violents, « Vous, pédés, avez jusqu’au coucher du soleil pour quitter ce quartier ». Cela faisait seulement trois minutes que nous étions dehors et nous recevions déjà autant de critiques.
Nous marchions péniblement. L’information s’est rapidement répandue, beaucoup de groupes de personnes se sont formés au-devant. « Vous n’allez jamais vous en sortir ! Ha ! Ha » rigole l’un d’entre eux.
« Eh, Joe, ils sont en train de bénir ta station essence ! ho ! ho ! » se moque un autre.
Certains nous passaient sur nous comme si nous étions des bâtons de glace. Ils étaient indifférent, comme s’ils étaient dans un samadhi de télévision. Mais lorsque nous nous prosternions vers eux chaque groupe se dissipait. De quoi avions-nous l’air pour eux ! Ils nous testaient verbalement – aucune réponse. « Eh ! J’pense que je vais leur botter leur cul lors qu’ils seront à genoux ! » Aucune réponse. Un plus grand groupe composé d’hommes plus âgés se trouvait dans un coin. Le leader mesurait bien 1,95m. Son acolyte courait entre nous, tapotait nos têtes, nous imitait et essayait de nous provoquer. Aucune réponse. Heng Sure est constant – il progressa. Je comblais le vide. Soudain ils mirent fin à tout ceci en interpellant celui qui persistait encore : « Laisse-les, ils ne vont rien faire ».
Nous prosternons à travers eux. Je sens les deux chefs nous traquer par derrière. C’est dur de mettre de côté toutes mes années d’entraînement aux arts martiaux, mais je sais qu’il n’y a pas de véritable protection qui conserve une sincère cultivation. Nous continuons à nous prosterner, à marcher...
Finalement le géant qui se retire sur le côté et nous demande poliment, « Excusez-moi, Monsieur, puis-je vous demander ce que vous êtes en train de faire ? ». Après un hochement de la tête, je finis une prosternation et j’explique.
« C’est incroyable ! il ne parle pas, n’est-ce pas ? Vous avez un dur travail ! Je ne peux pas m’efforcer à être calme. Tout ce chemin jusqu’à Ukiah ! Qu’est-ce que ce Bouddha ? » etc. Ils étaient touchés. Quelque chose de tendre et de sincère émergea. La limite de séparation s’effaça. La glace s’est fondue en eau. « Soyez en paix les gars » nous dit-il et nous crosses us with his. « Prenez soin de vous ».
Nous sommes épuisés ! Il est temps de trouver un campement. Les nuages sont de retour. Il commence à pleuvoir.
Nous avions oublié les papiers toilettes.
2h30 du matin. Nous sommes stationnés à côté d’une usine de tortilla au Sud de Pasadena. Je me suis réveillé pour réciter des mantras. J’entends un traînement de pas et des chuchotements. Une ombre passe par le côté droit de la voiture. Boum ! Une main s’introduit à travers la fenêtre du conducteur et essaye d’ouvrir la porte. A l’extérieur des chiens aboient sauvagement. « Hey ! » crié-je. J’arrive à distinguer quatre silhouettes s’éloignant de la voiture. Ils se regroupent au bas de la rue. Un peu plus tard j’entends des cailloux cognant la chaussée autour de nous. Je nettoie la buée sur la fenêtre et je les vois à présent armés de matraques ou de battes, venant pour nous excités, jetant des cailloux et dévalant le centre de la rue à toute vitesse pour nous attaquer. Je bondis sur le siège, j’essaie de trouver le contact et d’allumer le moteur. Le moteur ne veut pas démarrer. La panique me saisit. Je récite le nom de Guan Yin et j’essaie à nouveau. Vroum ! Le moteur rugit. Je démarre sur le flanc. L’un d’entre eux saute sur la voiture pour nous arrêter. Nous avions réussi !
Nous sommes allés au Monastère de la Roue d’Or et avons dormi dans l’allée jusqu’à 4h du matin. Une adrénaline épuisante. Ce fut une dure journée. Nous avons tué accidentellement plusieurs petits insectes et des fourmis avec nos mains et pieds pendant nos prosternations. Chaque jour nous nous sentons plus robuste, plus attentif.
Notre traversée de Los Angeles par prosternation s’apparente à des rêves dans des rêves. Trois Pas, Une Prosternation, c’est incroyablement merveilleux.
Paix dans la Voie,
Heng Chau
Sud de Pasadena, Los Angeles
Cher Shifu,
Hommage au Vénérable Maître,
Puisse-t-il accorder sa compassion à tous les êtres !
Ce travail s’apparente à une session de méditation Chan. Etre attentif de façon permanente est un travail ardu ; nous progressons lentement et constamment. Trois pas, une prosternation.
Heng Chau est un bon protecteur. Il nous a déjà sauvé d’une situation difficile qu’il va vous raconter en dessous. Beaucoup de laïcs nous ont protégé et nous accordent beaucoup d’attention. Je ne parle pas beaucoup. C’est une chance formidable pour pratiquer mon vœu de ne prononcer que des mots servant les Trois Joyaux. Je suis éternellement reconnaissant de l’opportunité qu’il m’est donnée de pratiquer la Voie.
Heng Sure
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Cher Shifu,
Garder notre extraordinaire protection requiert de la vigilance. Jusqu’à présent nous avons rencontré relativement peu d’obstacles, mais beaucoup de tests. Dès notre premier jour nous commençâmes à nous prosterner le long de bars d’un quartier difficile. Beaucoup d’ivrognes et de machos coriaces. Pour notre premier solo nous étions loin d’être confiants. Les rues étaient mouillées et boueuses (il venait de s’arrêter de pleuvoir, un léger éclaircissement lorsque nous commencions à nous prosterner), nous n’étions pas un beau spectacle. A la deuxième prosternation, place à l’action.
Derrière moi, un grand ivrogne me tapa à l’épaule, « Hey quel est votre intérêt de faire ça? » J’essayais timidement de lui donner des explications au travers de sa torpeur. Il était à une dizaine de centimètre de mon visage. Il retira lentement de son portefeuille une de ces photos montrant un Jésus sentimental, hippie, aux cheveux ondulés. Il continua de l’agiter devant mon visage tout en patientant. Je m’écarta doucement pour rester près de Heng Sure.
Une voiture au moteur surgonflé passa à toute allure avec un groupe d’hommes ivres et violents, « Vous, pédés, avez jusqu’au coucher du soleil pour quitter ce quartier ». Cela faisait seulement trois minutes que nous étions dehors et nous recevions déjà autant de critiques.
Nous marchions péniblement. L’information s’est rapidement répandue, beaucoup de groupes de personnes se sont formés au-devant. « Vous n’allez jamais vous en sortir ! Ha ! Ha » rigole l’un d’entre eux.
« Eh, Joe, ils sont en train de bénir ta station essence ! ho ! ho ! » se moque un autre.
Certains nous passaient sur nous comme si nous étions des bâtons de glace. Ils étaient indifférent, comme s’ils étaient dans un samadhi de télévision. Mais lorsque nous nous prosternions vers eux chaque groupe se dissipait. De quoi avions-nous l’air pour eux ! Ils nous testaient verbalement – aucune réponse. « Eh ! J’pense que je vais leur botter leur cul lors qu’ils seront à genoux ! » Aucune réponse. Un plus grand groupe composé d’hommes plus âgés se trouvait dans un coin. Le leader mesurait bien 1,95m. Son acolyte courait entre nous, tapotait nos têtes, nous imitait et essayait de nous provoquer. Aucune réponse. Heng Sure est constant – il progressa. Je comblais le vide. Soudain ils mirent fin à tout ceci en interpellant celui qui persistait encore : « Laisse-les, ils ne vont rien faire ».
Nous prosternons à travers eux. Je sens les deux chefs nous traquer par derrière. C’est dur de mettre de côté toutes mes années d’entraînement aux arts martiaux, mais je sais qu’il n’y a pas de véritable protection qui conserve une sincère cultivation. Nous continuons à nous prosterner, à marcher...
Finalement le géant qui se retire sur le côté et nous demande poliment, « Excusez-moi, Monsieur, puis-je vous demander ce que vous êtes en train de faire ? ». Après un hochement de la tête, je finis une prosternation et j’explique.
« C’est incroyable ! il ne parle pas, n’est-ce pas ? Vous avez un dur travail ! Je ne peux pas m’efforcer à être calme. Tout ce chemin jusqu’à Ukiah ! Qu’est-ce que ce Bouddha ? » etc. Ils étaient touchés. Quelque chose de tendre et de sincère émergea. La limite de séparation s’effaça. La glace s’est fondue en eau. « Soyez en paix les gars » nous dit-il et nous crosses us with his. « Prenez soin de vous ».
Nous sommes épuisés ! Il est temps de trouver un campement. Les nuages sont de retour. Il commence à pleuvoir.
Nous avions oublié les papiers toilettes.
2h30 du matin. Nous sommes stationnés à côté d’une usine de tortilla au Sud de Pasadena. Je me suis réveillé pour réciter des mantras. J’entends un traînement de pas et des chuchotements. Une ombre passe par le côté droit de la voiture. Boum ! Une main s’introduit à travers la fenêtre du conducteur et essaye d’ouvrir la porte. A l’extérieur des chiens aboient sauvagement. « Hey ! » crié-je. J’arrive à distinguer quatre silhouettes s’éloignant de la voiture. Ils se regroupent au bas de la rue. Un peu plus tard j’entends des cailloux cognant la chaussée autour de nous. Je nettoie la buée sur la fenêtre et je les vois à présent armés de matraques ou de battes, venant pour nous excités, jetant des cailloux et dévalant le centre de la rue à toute vitesse pour nous attaquer. Je bondis sur le siège, j’essaie de trouver le contact et d’allumer le moteur. Le moteur ne veut pas démarrer. La panique me saisit. Je récite le nom de Guan Yin et j’essaie à nouveau. Vroum ! Le moteur rugit. Je démarre sur le flanc. L’un d’entre eux saute sur la voiture pour nous arrêter. Nous avions réussi !
Nous sommes allés au Monastère de la Roue d’Or et avons dormi dans l’allée jusqu’à 4h du matin. Une adrénaline épuisante. Ce fut une dure journée. Nous avons tué accidentellement plusieurs petits insectes et des fourmis avec nos mains et pieds pendant nos prosternations. Chaque jour nous nous sentons plus robuste, plus attentif.
Notre traversée de Los Angeles par prosternation s’apparente à des rêves dans des rêves. Trois Pas, Une Prosternation, c’est incroyablement merveilleux.
Paix dans la Voie,
Heng Chau